Dames Blanches au Conseil communal: on ne sait rien, mais on vous dira tout

Ce mardi 22 novembre, les conseillers communaux Etienne Dujardin et Muriel Godhaird-Sterckx ont interpellé le Bourgmestre sur les nombreuses inconnues qui entourent l’hypothétique construction de logements sur le champ des Dames Blanches.  Et parmi ces inconnues, la promesse de réserver des futurs logements à des jeunes et les incertitudes croissantes sur la capacité de financer le projet de lotissement. Plus que jamais on nage dans le flou.

Des logements réservés pour les jeunes? Dura lex…

Benoît Cerexhe l’assure: «il faut pouvoir créer des logements pour les  jeunes  familles. C’est pourquoi 80 logements leur seront réservés. Aujourd’hui, sans modifier quoi que ce soit, déjà partout à Bruxelles, 71% des logements attribués par Citydef le sont déjà aux moins de 45 ans.»  Mais cette réalité statistique ne doit rien à une quelconque politique volontariste. Tout simplement, les jeunes achètent plus de logements que leurs aînés. Et aucune politique favorable aux jeunes n’a été mise en œuvre pour atteindre cette proportion de 71% . Tout simplement parce que c’est juridiquement impossible depuis la législation européenne contre la ségrégation. Citydev l’a d’ailleurs confirmé dans des articles parus dans la Libre et la DH ces dernières semaines. La loi ne prévoit pas cette opportunité et un acheteur «âgé»  serait donc en droit de demander l’annulation d’une vente dont il aurait été exclu.

La grande inconnue du financement

Sur le volet du financement, le Bourgmestre répète que la Commune ne suivra pas le projet de lotissement si le montage financier n’est pas crédible. Et comme en septembre dernier, il reconnaît que le plan financier ne s’improvise pas. «Ce n’est pas rien et je veux qu’on travaille dans la plus totale transparence, mais certaines choses ne sont pas connues. Je pense qu’il est prématuré de dire combien vont coûter les logements.  Nous n’en sommes qu’à l’élaboration du Master Plan. Mais l’estimation est liée au travail que feront les architectes.» Bref, on ne sait pas. 

Le Bourgmestre en est pourtant persuadé : «La SLRB ne mettrait jamais en péril la santé d’une Sisp  (En Bord de Soignes) à cause d’un projet de logement. Le montage est celui des grands projets de la SLRB : 50% du coût de construction est pris en charge par la SLRB. Pour les autres 50%, la Sisp doit rembourser le montant au moyen des loyers qu’elle percevra des nouvelles constructions».  Mais le Bourgmestre le reconnaît : les rentrées venant des loyers diminuent.

Etienne Dujardin cite, pour sa part, une étude évoquée par Georges Dallemagne du même parti que le Bourgmestre. Il en ressortirait que, sur le plan financier, les loyers de base prévus par la SLRB sont surévalués et que le coût du chantier semble sous-estimé. « Il faut aller plus loin dans l’étude financière de ce projet. Il faut aller plus en profondeur, plutôt que de dire que la SLRB sera toujours derrière nous pour le financement ».

L’espoir de Benoît Cerexhe est que, finalement, la SLRB prendra la plus grande partie du financement à son compte.  Il garde aussi une porte de sortie pour la Commune : «Si le montant financier est branlant, on n’entrera pas dans ce projet.» Il se dit rassuré et aura bientôt une réunion tripartite  (Sisp, Collège et SLRB), pour conclure, prudent : «mais on ne prendra pas de risques inutiles». Et on le comprend, « toutes les SISP bruxelloises sont en déficit sauf trois intervient Etienne Dujardin. On ne peut donc à la fois rénover et construire.  Et, l’on constate que la courbe des logements vides ne descend pas ».

Pour mémoire, on sait depuis le dernier CA de EBDS (En bord de Soignes) , que plus de 239 logements sociaux sont vides à l’heure actuelle soit 12,6% du parc. Certains sont vides depuis 2014  et plus. Le Bourgmestre argumente que seuls 81 logements sont situés à Woluwe-Saint-Pierre. Il promet que 36 seront réhabilités pour décembre 2022 et d’autres seront réhabilités en 2023. C’est du moins, reconnaît-t-il, «ce que la SISP  lui a promis». Prudent comme un Sioux, il se dédouane de cette promesse hasardeuse:  «C’est vrai que c’est lent et on peut le regretter, j’espère que cela sera fait…J’espère que ce qu’on me dit est respecté».  Il ne faudra attendre qu’un mois pour le savoir.

Les anciens Logements sociaux ? Des «baraquements»

Petit scoop de l’échevin du budget Dominique Harmel à la fin du débat : plutôt que de rafistoler l’existant, il faut construire. «Oui, il faut rénover…mais il faudrait avoir ce débat.  N’est-il pas plus raisonnable de construire que de rénover pour des prix qui coûtent les yeux de la tête avec un résultat qui ne devrait pas être exceptionnel. J’ai la faiblesse de croire que dans le logement social, on se casse la tête à mettre des rustines tous les 3 ans.  Des rustines pour avoir un habitat social relativement médiocre pour ne pas dire autre chose. Je préfère investir lourdement, avec la SLRB, dans du nouveau logement social que de continuer à rafistoler des baraquements qui tiennent à peine debout. »

Voilà une déclaration qui devrait ravir le Bourgmestre amené à discuter avec la SLRB, propriétaire de ces « baraquements». Ceux qui habitent les logements sociaux apprécieront également la haute estime dans laquelle ont les tient. Sans oublier que ces «baraquements» de 1930 vendus au privé  (vieux quartier) sont aujourd’hui  en bien meilleur état que ceux appartenant au parc social.   

A quand la consultation populaire ?

La Commune avait aussi annoncé, « pour 2023 » une consultation populaire sur le dossier. Encore une fois, le Bourgmestre marche sur des œufs en reconnaissant qu’aucune date n’est prévue pour la consultation de la population. La première étape sera la présentation du Master Plan le 12 décembre prochain (au Centre Communautaire de Joli-Bois à 18H30).« Aujourd’hui, on n’est nulle part» résume-t-il avec à-propos.

Conclusion ? On ne sait pas

Comme un mantra, le Bourgmestre assure qu’il ne se lancera pas dans quelque chose qui ne serait pas viable. «On est tout début d’un projet et la Commune ne s’engage (financièrement) pas dans ce projet.»  Cela concernera donc la Sisp et elle seule « Aujourd’hui, il n’y a aucun élément qui me fait penser que ce montage ne sera pas tenable, mais on verra bien».

Et c’est bien ça le problème. En fait, personne ne sait rien… ou refuse de parler ?

 » La Commune ne suivra pas si le montage financier n’est pas sûr à 100 %. »

La récente interview de Benoît Cerexhe publiée par La Libre avait provoqué notre réaction suite à certaines contrevérités contenues parmi les déclarations du Bourgmestre (voir notre post précédent ou sur www.damesblanches.be). Maël Duchemin, journaliste à la DH (même groupe que La Libre) s’est penchée sur ces mêmes déclarations de Benoît Cerexhe pour démêler le vrai du faux. Intriguant…

Dans l’article de La Libre, le Bourgmestre déclarait notamment vouloir réserver les futurs logements à construire sur le champ à de jeunes habitants. Nous avions signalé que cela n’était juridiquement pas possible. Benoît Cerexhe revient pourtant à la charge dans la DH en assurant que les logements acquisitifs de Citydev à venir (non plus 200, mais 80) peuvent être vendus en ajoutant un critère d’âge. Dans les faits, la journaliste apporte pourtant une précision: « il y a bien un critère d’âge mais il s’agit simplement du fait d’avoir plus de 18 ans pour pouvoir acheter ces logements. Aucune autre indication n’est formulée dans l’Arrêté du gouvernement qui encadre les activités de Citydev. L’acteur du logement subsidié nous confirme même qu’aucun levier ne lui permet de réserver des logements aux jeunes. » Par ailleurs, la législation européenne sur la non-discrimination l’interdit.

Faute de certitudes, le Bourgmestre conclut par une pirouette: « les pouvoirs publics doivent être capables de cibler les jeunes. Je veux qu’une partie de ces logements leur soient réservés. Je dois encore me renseigner. »

Des renseignements si difficiles à obtenir

Sur la faisabilité financière du projet cette fois, le Bourgmestre avait déclaré à La Libre qu’il attendait des précisions de la SLRB et de « En Bord de Soignes ». La rumeur circule qu’on ne s’y retrouverait pas au niveau des finances du projet, réagit cette fois le Bourgmestre. S’il ne s’agit que d’une rumeur, la Commune doit le savoir, puisque la majorité dispose de plusieurs sièges au Conseil d’Administration de la Société de logement social . Prudent, il conclut par cette phrase : « La Commune ne suivra pas si le montage financier n’est pas sûr à 100 %. »

Achat du terrain dans 15 ans : la blague du siècle

Reste la question du financement de l’achat, dans 15 ans, de la partie non construite du champ par la Commune. Le Bourgmestre se dit confiant dans le fait que les prochaines majorités -peu importent les partis qui les composent-, «devraient également suivre cette stratégie». C’est ce précisément conditionnel persistant dans le langage du Bourgmestre qui révèle toute la fragilité du concept. Car nul ne peut imposer une décision à une majorité qui sera élue en … 2036. Pour éviter de se soumettre aux aléas de de la politique, il existe pourtant un solution très simple: acheter dès maintenant la seconde partie (2.1) du terrain à sa valeur actuelle et le financer par un emprunt sur 15 ans. Une solution moins chère et plus transparente. Et qui, surtout, offrira la garantie que jamais, cette partie du champ ne pourra plus être construite.

Aux Dames Blanches, Cerexhe promet des logements pour les jeunes : impossible

Dans une interview accordée à «La Libre », le Bourgmestre Benoît Cerexhe revient sur le dossier du Champ des Dames Blanches. Son nouvel argument est que cela fera revenir des jeunes dans nos quartiers. Un argument qu’il sait éculé, puisque toutes les tentatives passées pour « réserver » des logements aux jeunes familles ont échoué. Soit il s’agit de logements privés, et c’est la loi du marché qui joue ; soit il s’agit de logements sociaux, et les attributions sont impérativement accordées en fonction d’un classement des candidats dans une liste centralisée par la SLRB.

Quel financement ?

Le Bourgmestre reconnaît, dans ce même article, qu’il attend toujours la confirmation de la SLRB que le projet de lotissement du Champ des Dames Blanches est bien finançable, alors que la SISP (Société Immobilière de Service Public) de Woluwe sera incapable de financer la partie du projet qui lui incombera. Rappelons que, lors du Conseil Communal de septembre dernier, le Bourgmestre avait reconnu ne rien comprendre au plan de financement du projet (voir nos posts des 21 et 23 septembre).  Le Bourgmestre déclarait alors avoir convoqué les responsable de « En Bord de Soignes » pour le 29 septembre afin d’obtenir des explications de la SISP de Woluwe. Mais, depuis, plus de nouvelles. Précisons pourtant que la Commune de Woluwe-St-Pierre est actionnaire de « En Bord de Soignes » et possède plusieurs administrateurs au sein de son Conseil d’Administration. Des administrateurs, par ailleurs, qui appartiennent, en partie, à la majorité communale.

Une partie du terrain non construite… avant 10 à 15 ans

Le Bourgmestre évoque en une phrase, la partie du terrain qui « ne serait pas construite ». Chacun sait que l’accord est clair sur ce point. C’est la majorité communale en place dans … 15 ans qui devra prendre la décision d’acheter -ou non- ce terrain (à un prix toujours inconnu aujourd’hui). Si, dans 15 ans, cette majorité imprévisible, décide de ne pas acheter (dans un délai d’un mois), la SLRB pourra reprendre la construction. Ce qui pourrait amener la construction totale sur le champ, de 500 logements. Trois élections communales nous séparent donc de la coalition « mystère » qui devra décider d’acheter une partie du champ. A moins d’un revirement des finances bruxelloises, on peut craindre la décision de cette majorité dont la plupart des membres actuels ne feront plus partie. Et déjà aujourd’hui, l’actuelle majorité de Benoît Cerexhe n’a même pas voulu provisionner un montant en vue de cet éventuel rachat. Certains parmi nous parlent d’un enfumage. Peut-être n’ont-ils pas tort.

Un nombre grandissant de logements sociaux de Joli-Bois ne sont plus occupés

Et tout cela dans un contexte surréaliste où l’on constate par ailleurs qu’un nombre grandissant de logements sociaux de Joli-Bois ne sont plus occupés et que les travaux de rénovation ont dû être interrompus faute de moyens financiers. Les rénover maintenant permettrait pourtant de remettre des dizaines de logements sociaux sur le marché dans un délai de moins d’un an. Une belle illustration de cette impécuniosité est la tentative, par la SISP, de revendre 28 garages dans le quartier des Dames Blanches. Une vente qui s’est largement soldée par un échec. Et alors que les locataires ont eu un mois pour quitter ces garages en juillet dernier, il serait maintenant question de les remettre en location.

Enfin, le Bourgmestre annonce de nouveaux transports en commun, mais promet, lors des réunions, que l’on n’élargira pas le gabarit de l’avenue des Dames Blanches déjà étroit pour le croisement des voitures.

Et le plus important est ce qu’il n’évoque pas dans l’article : l’enclavement du champ qui impose de faire passer l’ensemble du nouveau trafic par la seule avenue des Dames Blanches. La destruction d’un rue pourtant reconnue pour son aspect architectural.

Augmenter la production alimentaire locale ? Tu rigoles ?

Comme le rappelait récemment le groupement des « Amie.e.s du champ des Cailles », la majorité régionale a mis en avant la stratégie Good Food avec des objectifs précis comme « augmenter la production alimentaire locale et durable et accompagner activement la transition vers ces nouveaux modes de production. » Mais cela relève davantage de l’image que de la réalité.

L’agriculture urbaine est en situation précaire partout où elle s’installe, écrivent justement Les Amis du Champ des Cailles qui relèvent que « les projets de vraies fermes urbaines écologiques en sol vivant (Perruchet, Courtileke, Boondael, Keelbeek, Keyenbempt,…) disparaissent un à un sous les pelleteuses.»

Lors de la dernière « réunion participative » du Champ des Dames Blanches sur l’affectation de la partie non construite du champ, tous les représentants des promoteurs ont dû reconnaître que ce projet n’était pas pérenne, et ne portait que sur une dizaine d’années. Toute construction devrait pouvoir être retirée en cas d’autre usage sur le champ.

Nous ne pouvons donc que tirer le même constat que les Amis du Champ des Cailles : «La volonté du gouvernement actuel n’est en alignement ni avec les besoins réels, ni – surtout – avec ses propres objectifs.»