La Région veut construire sur le champ… sans demander l’avis des riverains

Nous l’évoquions il y a une semaine, la Région Bruxelloise veut relancer le projet de construction sur le champ des Dames Blanches. Mais sans prendre en compte la densité démographique de tous les quartiers environnants, et sans demander l’avis des riverains. Le projet envisagé reprendra celui qui avait été rejeté par la population et par la Commune en 2017. Pour lire l’article, cliquez ici

Après Alexia Bertrand (MR), Benoît Cerexhe monte au créneau

Comme il l’avait déclaré au dernier Conseil Communal de Woluwe-Saint-Pierre, le bourgmestre a répété dans un communiqué publié par Belga que « sans dialogue avec la commune et les riverains, il n’y aura rien sur ce terrain ».

En réaction à la déclaration de la Secrétaire d’Etat au logement Nawal Ben Hamou (PS), l’édile déclare : « Je vais être très clair. Si la région veut imposer ses vues au travers d’un PAD, cela ne passera pas. Nous ferons tout pour nous y opposer. Cela fait près de 40 ans que la Région prévoit des plans pour ce terrain, dont certains complètement démesurés. L’histoire devrait leur servir de leçon. Sans dialogue avec la commune et les riverains, il n’y aura rien sur ce terrain », prévient le bourgmestre pour lequel revenir au masterplan de 2017 (recalé par les riverains et la commune) est impossible. « Si la Région veut passer en force, nous ne nous laisserons pas faire. »

Le Bourgmestre a répété les balises de l’accord communal que sont « une vraie mixité, une densité en lien avec les quartiers avoisinants, des équipements collectifs et une étude de mobilité sérieuse ». Tous ses arguments, ainsi que la participations des riverains et un accent porté sur son intérêt pour des jardins collectifs sont développés dans l’article ci-dessous.

Dames Blanches: le retour du monstre du Loch Ness dès septembre 2021 ?

Lors du dernier conseil communal de ce mardi 27 avril, Alexia Bertrand (MR) a interpellé le Bourgmestre Benoît Cerexhe sur la volonté de la Région bruxelloise et de la SLRB de relancer le dossier de construction sur le champ des Dames Blanches. Et, de toute évidence, la procédure est en marche, même si aucun projet concret n’est encore la table.

Où en est le projet de lotissement ? Quelle est la position de la Région et celle de la Commune à l’égard de la Région ? Existe-t-il un planning et un phasage de la construction ? Quel est le nombre de logements envisagé ? Qu’en sera-t-il des différents accès et des infrastructures à destination du public ? Et surtout, le PPAS actuel sera-t-il levé ou pas par la Commune ?

Le parti de Benoît Cerexhe ne participant pas à la majorité politique de la Région bruxelloise, le Bourgmestre a déclaré ne pas disposer de toutes les informations demandées, mais a fait le point sur le dossier «dans l’état actuel de ses informations». Ainsi, un groupe de travail réunissant la Région, la SLRB et la Commune de Woluwe-Saint-Pierre a bien été mis sur pied l’an dernier. Y ont participé le Bourgmestre, les échevins A.Pirson (Urbanisme), A. Bertrand (Transition énergétique), C.Kolchory (Logement) ainsi que D. De Keyser (Président du Conseil Communal). Au total, trois réunions se seraient tenues. La Commune, explique Benoît Cerexhe, y a « fait part de la feuille de route qui n’a pas changé depuis la législature précédente et qui figure dans la déclaration de politique générale (de la majorité communale)». Cette feuille de route porte sur la densité de population, la répartition des logements selon la règle des 3/3 (acquisitif, locatif et logement social). Il a également insisté sur la nécessité d’une étude de mobilité digne de ce nom, plutôt que cette étude «bâclée» qui avait été menée par les promoteurs du projet du dernier projet de 2017 Pour rappel, cette étude avait été menée (fort opportunément) la semaine du 1er mai, pour obtenir des données de trafic réduites par rapport à une semaine normale.

Des espace partagés et des potagers urbains sur le champ  

Benoît Cerexhe a apporté un éclairage nouveau sur ce qui, selon lui, devrait orienter la destination du champ des Dames Blanches : « De mon point de vue, on doit aussi avoir, au regard de la situation, une réflexion sur la manière dont on envisage l’habitat en termes de densité et d’espace vert.»  Il a rappelé qu’un ministre bruxellois » (sans citer Alain Marron, ministre bruxellois Ecolo) avait évoqué l’idée d’acheter des terres agricoles en dehors des communes bruxelloises. Une proposition qui avait provoqué une levée de bouclier dans les deux autres Régions. « Je lui ai proposé le champ des Dames Banches.  C’était dit sur le ton de l’humour, mais dans cette réflexion sur la conception de l’habitat, au regard de ce que nous avons vécu les 14 derniers mois, ce n’est pas totalement dénué de fondement. Avoir des espaces partagés et des potagers urbains correspond à une demande de la population… : je pense qu’il faut pouvoir faire évoluer la réflexion en tenant compte des enseignements de cette crise, je pense que c’est important».

Inutile de vouloir tenter un coup de force

Depuis plusieurs semaines, le dossier n’aurait pas évolué, mais la Région bruxelloise souhaite voir avancer ce projet et une nouvelle réunion pourrait être très prochainement organisée, présage le Bourgmestre. « Il est probable que le dossier va sans doute évoluer dans les prochaines semaines et les prochains mois. »

Il remarque toutefois que « les premiers contacts avec la Région se passent dans un climat plus constructif que par le passé. « Il y a une volonté d’obtenir un consensus avec la Commune mais aussi avec la population du quartier. La Région se rend compte que vouloir imposer ses vues a fait traîner les choses depuis plus de 40 ans, il est inutile de vouloir tenter un coup de force.»

La position de Benoît Cerhexe est qu’il serait ainsi vain de proposer une urbanisation du champ par phases successives, sans définir de plan global: « La Commune veut une vue d’ensemble du projet, sans saucissonner le dossier . On veut avoir une vue globale sur le champ. » 

A propos du PPAS 

Beaucoup se souviendront du débat autour du PPAS (plan particulier d’affectation du sol) créé par la commune en1998. Ce plan prévoyait près de 130 logements, privés et sociaux. En réponse aux questions d’Alexia Bertrand, le Bourgmestre assure qu’il n’y « aura pas de modification ou d’abrogation du PPAS par la Commune sans un consensus obtenu auprès des riverains. » Rappelons toutefois qu’en cas de conflit entre la Commune et la Région, cette dernière peut tenter le coup de force et lancer une procédure (longue) pour abroger le PPAS.  

Benoît Cerexhe assure s’engager à tenir le Conseil Communal au courant de l’évolution du projet, « au plus tard en septembre, voire plus tôt, en cas d’informations importantes. » Il s’engage dans le même temps à en informer les riverains comme il l’a fait en janvier dernier. (Le Bourgmestre avait effectivement réuni les riverains membres du comité de pilotage de la SLRB, dont nous faisions partie à l’époque).

Pour bientôt ?

Selon le Bourgmestre, les discussions sur la répartition des types de logements et sur leur nombre «est loin d’avoir abouti… je ne pense pas qu’une note ait été déposée sur le champ des Dames Blanches. Le dossier a peut-être été évoqué dans le Plan Logement de la Région, «mais je n’en sais rien, je ne suis pas dans la majorité (régionale)». Ce plan Logement de la Région indique des objectifs importants en termes de logement, mais le Bourgmestre répète comme un mantra que « les balises sont claires et nous travaillerons en pleine concertation et en pleine consultation avec les riverains. »

Les limites de l’engagement du bourgmestre

Les derniers échanges du Conseil Communal à propos du dossier des Dames Blanches montrent pourtant les possibles lignes de fracture entre la majorité et l’opposition de la Commune de Woluwe-Saint-Pierre.

Après la déclaration du Bourgmestre sur la possibilité d’envisager des potagers publics, Alexia Bertrand abonde dans l’idée de « garder une réserve foncière et permettre des potagers. la population pourrait se retrouver dans ce projet. Si vous voulez interpeller la SLRB et la Région en faveur (de cette alternative), alors vous trouverez beaucoup de monde derrière vous. La Covid a fait réaliser à quel point la nécessité de la culture en ville et de la biodiversité sont essentiels.»  La conseillère MR demande donc au Bourgmestre de se positionner entre « les deux projets non compatibles ». A savoir l’urbanisation du champ ou sa transformation en un espace de culture à destination du grand public. Ce qui pourrait s’inscrire dans la philosophie de l’approvisionnement alimentaire en circuit court. Une pratique qui fait tant défaut à la Région bruxelloise.   

Le second point d’achoppement est le PPAS. L’une des exigences de la Commune pour la construction du champ est la règle des 3/3 évoquée plus haut (logement acquisitif, locatif et social). Or, estime Alexia Bertrand, ce critère impliquera de facto la levée par la Commune du PPAS actuel. « donc la Commune veut lever le PPAS qui respectait la densité et contenait plusieurs types de logements, y compris social. » Argument auquel le Bourgmestre répond qu’il ne veut pas « rester racrapoté » ou « arcbouté » sur le PPAS existant… « car il y a une évolution de la conception de l’habitat depuis le moment où le PPAS a été élaboré (en 1998) ». Il réclame aussi davantage d’infrastructures collectives, ce que ne le prévoyait le PPAS.